© Photo CNAC/MNAM dist.RMN - Philippe Migeat © ADAGP,
Paris, 2007
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Chimères mystérieuses,
mi-homme, mi-bête, objets composites à tête
humaine et animaux fantastiques volants traversent tout l’oeuvre
de Marc Chagall. Pour la première fois une exposition leur est consacrée.
Ces êtres hybrides, Chagall les a connus sans doute en regardant
les diables des icônes et les compositions issues de la sculpture
médiévale de son pays natal qu’il admirait profondément.
La série des Caprices de Goya où l’homme prend si souvent
l’aspect d’un âne a aussi retenu toute son attention.
Plus généralement, l’hybridation, perceptible dans
toute l’histoire de l’art a marqué l’imagination
de Marc Chagall. En ce sens, il s’inscrit dans une tradition qui
englobe des oeuvres aussi célèbres que le retable d’Issenheim,
les compositions de Jérôme Bosch ou de Johann Füssli.
C’est dans la même tradition que trouvent à s’inscrire
certains de ses contemporains. En effet, de Picasso à Brancusi,
de Hans Arp à Victor Brauner, les quadrupèdes ailés,
les femmes-oiseaux et autres monstres plus ou moins aimables, constellent
la production du XXe siècle.
Dans l’iconographie de Chagall, l’hybridation trouve ses figures
de récurrence : la tête humaine est remplacée par une
tête d’animal, les bêtes ont des membres humains, dont
elles se servent pour jouer de la musique ou pour peindre, de même
qu’il pousse des bras et une tête aux violoncelles qui se jouent
eux-mêmes.
Quel sens peut-on donner à ces êtres ? Au delà de la
dimension symbolique ou métaphorique, il ne faut pas exclure la
dimension religieuse, liée aux traditions hassidiques de la région
de Vitebsk, ville natale de l’artiste. Enfin, l'omniprésence
des bêtes domestiques, vache, chèvre, coq, met l’accent
sur les souvenirs d’une enfance au contact des bêtes. L’oncle
boucher sacrifiait les vaches en leur murmurant des paroles apaisantes.
La chèvre jouant du violon évoque les fêtes enchantées
au son de la musique du violoniste ambulant. Le poisson rappelle la figure
du père, marchand de harengs. Et si les oiseaux jouent aussi
du violon ou du schoffar, c’est que leur chant est comparable à la
musique divine.
Avec l'humour qui le caractérise, l'artiste n'hésite pas à se
peindre lui-même en animal : sous les traits d'un coq (Le coq, 1947,
musée national d'art moderne - Centre Pompidou, dépôt
au musée des Beaux-Arts de Lyon) ou d’une chèvre, animal
pour lequel il a maintes fois exprimé son affection et sa compassion.
L’âne, animal modeste, mais aussi messianique, est ici donné comme
une possible image de l’artiste (Autoportrait à la pendule,
1947, Paris).
Ces figures composites sont donc toujours la marque d’un
raccourci poétique, qui donne à voir en une seule image ces
divers niveaux de représentations.
André Breton en 1941,
parlait de l’entrée de la métaphore dans la peinture
du XXe siècle avec Chagall. Il soulignait sa capacité à «affranchir
l’objet des lois de la pesanteur, abattre la barrière des éléments
et des règnes» et à traduire en langage plastique les
traces troubles du rêve comme l’essence des êtres et
des choses.
© Réunion des musées nationaux
www.musee-chagall.fr
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