Fascinés par les phénomènes
optiques et curieux d’explorer
les limites de l’art de peindre, les artistes sont à l’origine
d’une longue histoire
de puzzles visuels et de perspectives changeantes. Jouant sur l’ambigüité des
images doubles, dont les différentsniveaux dépendent entièrement
du point de vue de l’observateur,
de nombreux peintres se sont employés à brouiller les pistes
et à introduire
plusieurs sens, souvent dissimulés, dans des images à multiples
lectures. Ils se consacrèrent à cette
pratique pour son esprit ludique, mais aussi et surtout pour délivrer à leurs
oeuvres un sens moral ou symbolique, voire pour y insérer une signification
religieuse, politique ou sexuelle.
Mis à part Arcimboldo et ses célèbres images composites
ou ses portraits réversibles, et Dalí, grand
maître incontestable
de l’image ambiguë,
les images doubles ont été attribuées au hasard, à la
création fortuite, et n’ont
pas été approchées comme desactes conscients et soumis à la
décision de l’artiste.
C’est pourquoi les commissaires ont adopté le parti de montrer
exclusivement des doubles images consciemment incluses et assumées par
leur créateur. Ne pouvant pas s’appuyer sur
le témoignage des auteurs desoeuvres, leur choix repose sur un faisceau
de preuves ou de présomptions,
fondées historiquement. Leur ambition est de réunir, à l’issue
de cette sélection rigoureuse, 250 oeuvres dont les rapprochements inédits
et surprenants sont favorisés
par un parcours articulé autour de grands thèmes comme les images
composites, cachées et réversibles, les paysages anthropomorphes,
les anamorphoses et les illusions de perspective, les ambiguïtés érotiques
ou encore, les taches et les tests de Rorschach.
Une place toute particulière est réservée à Dalí,
passé maître dans l’art de formuler, au sein d’une
même image, différents scénarios aussi énigmatiques
qu’imprévisibles. C’est d’ailleurs sous le titre d’une
fameuse toile de l’artiste,
L’Enigme sans fin (1938) qu’une première version de l’exposition
fut présentée
en 2003, au Museum Kunst Palast de Düsseldorf.
Pour Paris, l’événement
conserve le même
concept mais bénéficie d’une version entièrement
renouvelée et enrichie, qui réunit,
autour des toiles du maître catalan, des oeuvres de sphères culturelles
et d’époques
différentes. Leurs sujets relèvent autant de la figuration humaine,
illustrée par les images
des Saisons d’Arcimboldo, que du paysage qui se poursuit
jusqu’à Max
Ernst, ou de l’architecture introduite par les perspectives
impossibles d’Escher.
Les images ambigües, ou calembours visuels, sont très présents
dans l’art contemporain. Ils sont peu identifiés car ils ne sont
pas une fin en soi. Ils ne relèvent
d’aucune idéologie mais représentent au contraire des stratagèmes
au service d’oeuvres très divergentes, dissemblables. Les remarquables
inventions en volume du suisse Markus Raetz incitent à des doubles lectures
réellement troublantes de ses
sculptures là où
Arcimboldo et Dalí s’étaient cantonnés à la
Peinture.
De Michel Ange à Markus Raetz, en
passant par les miniatures persanes ou l’art populaire des cartes postales érotiques des années
1900, l’exposition
retrace le panorama riche et étrange de cette pratique aussi singulière
que répandue.
Elle porte notre attention sur la diversité des chemins empruntés
par les artistes jouant avec la perception visuelle, et met l’accent
sur la complexité et la permanence de ce principe
de création multiple.
Longtemps les images doubles ont été placées au second
plan et envisagées de manière anecdotique. A l’encontre
de ce positionnement, l’exposition se
concentre précisément sur ces marges, images cachées et
sens multiples qui peuplent les plus grandes oeuvres d’art.
Véritable événement,
cette exposition est l’occasion unique de revisiter l’oeuvre de
nombreux artistes et d’en découvrir les dessous les plus inattendus.
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