La Joconde "mise à nu" révèle la technique
picturale de Léonard de Vinci
Deux chercheurs dont une physicienne de l'Institut des nanosciences de
Paris (CNRS/Université Paris 6/ Université Paris 7),
enseignante à l'Université Evry Val-Essonne ont révélé pour
la première fois la composition du fameux « sfumato »,
technique artistique utilisée par Léonard de Vinci pour
peindre les visages.
Après un « dévernissage virtuel » de la Joconde,
ils ont mis en évidence la présence d'un glacis, technique
de la peinture à l'huile inventée par les Primitifs flamands
et qui n'était pas utilisée à cette époque
en Italie. Ils ont également identifié les composants de
la première couche picturale ainsi que de la sous-couche du tableau.
Ces travaux de recherche sont publiés sur le site de la revue
Applied Optics.
Lorsque nous admirons le sourire de Mona Lisa, la lumière qui
parvient à nos yeux a traversé plusieurs couches picturales
et un vernis qui a jauni au fil du temps. En analysant la composition
de cette lumière en de multiples points du tableau, les physiciens
ont pu démêler les effets respectifs du vernis, de la
couche superficielle et de la sous-couche du tableau. Les chercheurs
ont tout
d’abord mesuré en cent millions de points la composition
de la lumière renvoyée par le tableau. Ceci a permis
de déterminer l’effet du vernis sur chaque couleur et
de procéder à un « dévernissage
virtuel » permettant de retrouver les couleurs inaltérées
des pigments de Mona Lisa. Les chercheurs se sont alors concentrés
sur le rendu pictural du visage de la Joconde (carnation). Ils ont
identifié une
terre d’ombre comme unique pigment contenu dans la couche superficielle.
Les mesures ont également mis en évidence une saturation
exceptionnelle de la couleur. Ces deux caractéristiques sont
la signature d’un glacis, technique artistique inventée
par les Primitifs Flamands et qui n’était pas utilisée
en Italie à l’époque de Léonard .
Pour parvenir à leurs fins sans effectuer aucun prélèvement
sur le tableau, les physiciens ont combiné plusieurs techniques
spécialement développées à cet effet. En
premier lieu, la « photographie » du tableau a été effectuée
grâce à une caméra multi-spectrale permettant de
mesurer cent millions de spectres lumineux en autant de points du tableau.
Ces mêmes mesures ont parallèlement été réalisées
avec de nombreux pigments utilisés dans les peintures du XVIème
siècle, recouverts ou non de vernis vieillis artificiellement.
C’est la comparaison des spectres de la Joconde et de ces spectres
de référence qui a alors permis d’ôter numériquement
le vernis de Mona Lisa, puis d’identifier les pigments de la couche
superficielle du visage.
Une fois la terre d’ombre identifiée, deux hypothèses
pouvaient alors expliquer le rendu des couleurs du visage : soit l’utilisation
de mélanges de blanc et de pigment coloré en diverses proportions,
soit une technique de glacis (superposition d’un nombre plus ou
moins important de couches d’une même couleur très
diluée). Ces deux méthodes se distinguent par la saturation
de la couleur beaucoup plus élevée dans le cas du glacis.
La comparaison des couleurs mesurées sur le visage et des simulations
numériques correspondant aux deux hypothèses a permis
de déterminer sans ambiguïté qu’il s’agissait
d’un glacis. Cette comparaison met également en évidence
que ce glacis a été appliqué sur un mélange
composé de 1% de vermillon et de 99% de blanc de plomb, mélange
couramment utilisé par les peintres italiens de l’époque
mais pour la couche picturale superficielle seulement, non pas pour la
sous-couche.
Les chercheurs envisagent de systématiser cette identification
des composants de couches picturales stratifiées en faisant appel à des
bases de données conséquentes contenant les propriétés
optiques de nombreux pigments et fonds de référence. Ce
qui permettra ainsi de disposer d’une méthode d’analyse
des œuvres d’art totalement non-destructive, portable et dont
les résultats seront exploitables en quelques minutes.
Communiqué de presse du C.N.R.S
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